Pour Sud-Ouest, Jean-François Puech, le créateur de l’association Ovale Citoyen, initiatrice de la médiatique opération « Drop dans les champs », est juste un « hyperactif retraité du rugby ». A croire que les archives du quotidien ont été épurées. Il y a six ans, le même journal le qualifiait d’« escroc ». Sur pas moins de trois colonnes !
Du Parisien à l’Equipe, de Sud-Ouest à France Inter et jusqu’à France Télévisions, l’association Ovale Citoyen et son président, Jean-François Puech, bénéficient de relais médiatiques considérables. Reportages et articles sont dithyrambiques sur cette structure, qui, grâce aux partenariats noués avec la préfecture de la Gironde, Pôle Emploi ou les Girondins de Bordeaux, œuvre en faveur de l’insertion des migrants dans la région bordelaise.
En lien, entre autres, avec la Fédération française de rugby (FFR), Ovale Citoyen vient de lancer l’opération « Drop dans les champs », qui vise « à mettre en relation exploitants agricoles et réfugiés, avec l’appui des réseaux du rugby professionnel ». Elle est relayée avec bienveillance par le ministère de la Jeunesse et des Sports.
Les Français, dit-on, ont la mémoire courte, les journalistes aussi. Car Jean-François Puech n’est pas qu’un simple retraité du ballon ovale. C’est aussi un repris de justice, un homme qui a connu « des ennuis judiciaires et la mise au banc (sic) qui va avec », seule allusion à un passé bien plus sulfureux que la formulation ne le laisse supposer.
Le samedi 22 février 2014, le journal Sud-Ouest, qui n’a pas pour habitude de jeter des noms en pâture à l’opinion publique et tient au respect de la présomption d’innocence, titre pourtant sur trois colonnes : « L’ex-chargé de com était un escroc » (photo ci-contre). Et il en donne le nom : Jean-François Puech. « Ex-salarié de la région, résume le quotidien régional, il avait présenté de faux mails d’Alain Rousset [le président socialiste du conseil régional, Ndlr] à ses nouveaux employeurs avant de les abuser. » Montant du préjudice établi au détriment de ces entreprises : 12 000 euros. Montant estimé, sans toutefois que les investigations aient pu le prouver de manière certaine : plusieurs dizaines de milliers d’euros. Avec pour conséquence que la société victime de ses agissements a dû être placée en liquidation.
Pourquoi cet article dans Sud-Ouest ? Parce que, désormais, tout est public. L’affaire vient de passer devant la quatrième chambre du tribunal correctionnel de Bordeaux et Yann Saint-Sernin, pour Sud-Ouest, livre un compte rendu de l’audience. Féroce, comme l’ont été la présidente, Caroline Baret, et le procureur, Séverine Sibe, irritées, toutes deux, par les agissements découverts et par l’absence de Jean-François Puech, qui ne s’est même pas présenté à l’audience. « Déjà, devant les policiers, il avait refusé d’être interrogé. Prétextant des crises d’angoisse, il avait envoyé sa femme, ce qui dénote d’un grand courage », avait raillé la présidente. « La lecture des procès-verbaux me laisse pantoise », avait de son côté tonné le procureur, ajoutant qu’elle avait « bien envie de requérir un mandat de dépôt », c’est-à-dire d’envoyer les forces de l’ordre à sa recherche pour l’appréhender et l’incarcérer sur-le-champ.
Celui qui n’a pas encore créé Ovale Citoyen, rapporte le journaliste, est « poursuivi pour escroquerie et abus de confiance alors qu’il était salarié de sociétés travaillant dans la vente de radiateurs ». « En quelques mois, explique-t-il, le prévenu n’a pas épargné les sociétés qui l’ont employé. Détournements de chèques, non-paiement de l’Urssaf, salaires doubles versés à des salariés afin d’encaisser lui-même les remboursements, utilisation du téléphone de l’entreprise à des fins privées en falsifiant la domiciliation auprès de l’opérateur… La justice a retenu un montant détourné de 12 000 euros. Mais l’entreprise principalement lésée pencherait plutôt pour plusieurs dizaines de milliers d’euros de perte. » Pour Séverine Sibe, le procureur, la « nuisance commerciale » est en tout cas « énorme ».
Il y a l’arnaque, mais, pire peut-être, il y a les méthodes employées par Jean-François Puech qui laissent sans voix. De 2007 à 2011, Puech avait été « chargé de mission presse » au conseil régional d’Aquitaine. A son départ, dont on ne sait s’il avait été contraint, il s’était lancé dans le « lobbying auprès des politiques pour les entreprises ». « Mais sans doute avait-il un brin présumé de son entregent, lit-on dans ce numéro de Sud-Ouest du 22 février 2014. Alors, pour se donner de la contenance auprès de ses nouveaux employeurs, il n’hésitait pas à leur présenter des faux courriels soi-disant émis par le président de Région dont il avait conservé la boîte mail »…
L’audience a permis d’en connaître certains. Tel celui-ci, prétendument envoyé à Jean-François Puech par Alain Rousset : « Vous allez recevoir la semaine prochaine une subvention de 120 000 euros, marque de soutien de la Région à votre nouvelle entreprise. » Est-il utile de la préciser ? Le cabinet du président du conseil régional d’Aquitaine a confirmé aux policiers qu’il s’agissait d’un faux. Comme tous ceux qu’il s’auto-envoyait en faisant croire qu’il était à tu et à toi avec Alain Rousset.
En revanche, ce que n’a pas su expliquer le cabinet d’Alain Rousset, c’est comment Jean-François Puech avait pu être embauché. Car, a appris Sud-Ouest à l’audience, « il avait, à l’époque, déjà été condamné pour faux en écriture et abus de confiance » ! De quoi inciter la justice à ne plus faire part de la moindre clémence. La dernière phrase de l’article d’Yann Saint-Sernin n’a pas besoin de fioritures : « Ce sera un an de prison ferme. »
Avec « Drop dans les champs » et son association Ovale Citoyen, dont le nom a été trouvé par Pierre Hurmic, le candidat d’Europe Ecologie-Les Verts à la mairie de Bordeaux, Jean-François Puech ouvre donc un nouveau chapitre de sa palpitante existence. Et cela avec l’appui de nombreuses personnalités de gauche et d’extrême gauche, comme Philippe Poutou, du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), lui aussi candidat à la mairie de Bordeaux, qui lui a apporté « un soutien naturel et fraternel », ainsi que nous l’avions relaté dans l’article que nous avions consacré, en août 2018, à cette « association de gauche qui instrumentalise le rugby ».
Ceux-ci n’ont plus qu’à espérer qu’Ovale Citoyen et son président ne feront pas, un jour prochain, les gros titres de la rubrique judiciaire.
* Photo de la signature de la convention entre l’association LGBT Girofard et Ovale Citoyen (représentée par Lucas Puech, co-président de l’association et fils de Jean-François Puech).
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