L’Histoire est ponctuée de signes que nous ne devrions pas ignorer. Le 17 avril 1975, Phnom Penh tombait, sous les applaudissements des intellectuels, journalistes et hommes politiques de gauche, entre les mains du Parti communiste du Kampuchéa de Pol Pot. Sous les portraits de Marx, Lénine et Staline, et à l’ombre du drapeau rouge frappé de la faucille et du marteau, nos grandes consciences progressistes, du Monde à Libération en passant par l’Humanité, annonçaient des lendemains qui devaient chanter. La main sur le cœur, ils s’enthousiasmaient pour les slogans venus du pays khmer : « La Révolution doit faire table rase du passé. Rien, ni personne, ne pourra nous empêcher de mener à bien notre projet de nouvelle société. […] Ceux qui pourront être réformés le seront. Les autres seront éliminés ».
La suite est connue, mais souvent oubliée, voire volontairement occultée. « Rendez-vous avec Pol Pot », qui est sorti dans les salles de cinéma le 5 juin dernier, vient nous la rappeler. Un rappel, qui sonne comme un tocsin, à un mois d’élections cruciales pour l’avenir de la France. Un film bouleversant sur la nuit et le brouillard ayant enseveli le Cambodge pendant près de quatre longues années. Le voyage au bout de l’enfer du Kampuchéa démocratique. L’horrible dictature des Khmers rouges. L’utopie communiste, dans sa volonté de créer un homme nouveau et d’éradiquer l’ancien monde, portée à son paroxysme. Meurtres. Massacres. Exécutions. Tortures physiques et morales. Rééducation. Camp de travail. Persécutions religieuses. Charniers. Génocide. Un quart de la population cambodgienne, soit deux millions de personnes, exterminée. C’était il y a cinquante ans. C’était hier. Ce sera peut-être demain. Chez nous.
Car depuis un demi-siècle, et la révélation au monde de l’éradication méthodique du peuple cambodgien, la gauche la plus extrême n’a rien renié de ses convictions. Elle n’a jamais fait amende honorable pour avoir soutenu et admiré la plus sanguinaire des dictatures de la seconde moitié du vingtième siècle. Elle ne s’associera jamais à une minute de silence pour honorer la mémoire des martyrs de la plus monstrueuse des utopies. Marxistes, communistes ou gauchistes ils étaient, marxistes, communistes ou gauchistes ils restent. Parti communiste du Kampuchéa hier. Nouveau Front Populaire aujourd’hui. Pol Pot, Douch et Khieu Samphan hier. Mélenchon, Roussel et Poutou aujourd’hui. La même haine. La même violence à l’égard de leurs adversaires. La même certitude de représenter le camp du bien et d’être en droit de tout se permettre pour parvenir à leurs fins. Les mêmes slogans : rejoins-nous camarade ! Nationalisons ! Faisons payer les riches ! Abattons l’ordre bourgeois ! Créons un monde nouveau ! Les mêmes symboles : le drapeau rouge. L’Internationale. Le Capital de Marx. La faucille et le marteau.
Les 30 juin et 7 juillet prochains, la France joue son destin. Non pas en raison d’une possible victoire du Rassemblement National, mais parce que les laudateurs des bourreaux du peuple khmer pourraient gagner les élections. N’en doutons pas ! Les mêmes causes produiront les mêmes effets. Le 7 janvier 1979, la dictature des khmers rouges est tombée. Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin, autre symbole de l’hiver communiste, s’est effondré à son tour. Mais les héritiers de ces temps obscurs sont toujours là. Tout près de nous. Aux portes du pouvoir. Tâchons de ne pas l’oublier. Après, il sera trop tard. Nous aurons eu rendez-vous avec le Nouveau Front Populaire comme le peuple cambodgien l’a eu avec Pol Pot.
Tribune Libre de Thierry Breton pour Infos-Bordeaux
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